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Le Blog de Philippe 2759
17 janvier 2013

Mariage pour tous

J'ai reçu pas mal de mails (de chrétiens) incitant à me joindre à cette manif de dimanche dernier. Je n'ai pas donné suite, ni répondu, ne sachant pas quoi écrire, et surtout, ne voulant pas écrire de mots "vexants".

Personnellement je ne suis pas pour non plus, mais je reprends à mon compte cet article ci-dessous. Il confirme et traduit ce que je pense.

 

 

Mariage pour tous : ce qui me peine et qui m'inquiète

 

 

Et si au lieu de descendre massivement dans la rue et de balancer des slogans, si on prenait le temps de réfléchir et de discerner.

Au lendemain de la manifestation contre le mariage pour tous, de nombreuses voix chrétiennes se sont fait entendre pour regretter l'absence de dialogue au sein des Eglises. Des évêques ont défilé. Beaucoup ont pris des positions tranchées contre ce projet de loi. Depuis des mois, ils réclament un débat sur ce sujet pour faire entendre l’opinion publique française... tout en omettant par ailleurs de prendre en compte la diversité d’opinions des croyants. Comment appeler à un débat dans la société civile alors que le débat entre croyants n'est pas favorisé ? En ce qui me concerne, je l'ai déjà dit, je l'ai déjà écrit, dans ce débat, je refuse de choisir mon camp. Je ne veux pas entrer dans une confrontation que je juge stérile. Citoyen français, catholique de surcroît, j'essaie de comprendre et d'accueillir la réalité, non pas telle que je voudrais qu'elle soit, mais telle qu'elle est.

Attaché au pluralisme et au principe de laïcité, j'accorde une place primordiale aux droits de l'homme et particulièrement aux droits des plus faibles et des exclus. Citoyen français, catholique de surcroît, je suis engagé dans la construction du lien social et, notamment, dans le dialogue interreligieux. Pour moi, la foi n'est pas (et ne peut pas être) une affaire privée, puisqu'elle est le souffle de ma vie et qu'elle donne sens à tous mes engagements. Pour moi, le Christ est une personne vivante, et l'Evangile, une force de conversion pour aujourd'hui. Citoyen français, catholique de surcroît, j'essaie aussi d'être lucide sur les dérives possibles de nos systèmes de pensée (qu'ils soient politiques, philosophiques ou religieux). Des dérives qui ont pour noms : sectarisme, manichéisme, fondamentalisme ou intégrisme. Ces dérives existent partout, à droite comme à gauche, chez les croyants comme chez les incroyants, chez les laïques comme chez les religieux.

Mais aujourd'hui, je me sens en porte-à-faux avec la position d'une grande partie de mes coreligionnaires, la plus visible du moins, celle qui est descendue dans la rue, puisqu'il paraît, d'après un sondage publié le 10 janvier dans Pèlerin, que 41% des catholiques pratiquants sont favorables au mariage pour tous. Non que, pour ma part, je sois résolument en faveur de ce mariage, non que je n'en perçoive pas les aspects discutables, mais parce que je respecte la nécessité d'une législation et la légitimité du législateur pour y réfléchir et prendre des décisions en conscience. Il s'agit pour moi d'articuler une éthique de responsabilité avec une éthique de conviction.

Je crois que les personnes homosexuelles méritent notre écoute et méritent qu'on les aide à ne plus subir les assauts incessants de l'opprobre et du soupçon. Je crois que le souci des minorités fait partie des fondements de la démocratie et de l'éthique. Je crois que les enfants de couples homosexuels ont besoin d'être reconnus, aimés et respectés. Je crois qu'ils ont besoin, comme tous les enfants, d'une famille stable. Je crois, à cet égard, que le mariage est porteur de sens et qu'il peut aider un couple à s'enraciner dans la fidélité, le respect de l'autre, l'assistance et le secours mutuel. C'es la raison pour laquelle d'ailleurs, l'Eglise catholique a toujours préféré le mariage à l'union libre...

Je crois, enfin, que l'accueil de la réalité est non seulement l'une des conditions du bien vivre, mais qu'elle est surtout une exigence fondamentale pour ceux et celles qui annoncent un Dieu incarné. Or, qu'on le veuille ou non, les familles homoparentales existent déjà, sous bien des formes. C'est un fait incontournable et ce n'est pas la loi qui les fabriquera. De quoi avons-nous peur ?

L'Eglise défend un modèle familial, certes pertinent, mais doit-il être le seul ? Je n'ai pas la réponse. D'autres formes d'éducation ou de filiation ne seraient-elles pas envisageables ? Absolutiser le modèle "un papa, une maman, des enfants", comme absolutiser la "Nature" ou je ne sais quelle anthropologie (toujours relative), c'est tomber dans une forme d’idolâtrie qui me semble bien éloignée du message évangélique. Jésus s'est-il une seule fois exprimé pour défendre tel ou tel modèle social ou familial. A-t-il encouragé l'hétérosexualité ? A-t-il condamné l'homosexualité ? A-t-il même parlé de sexe ou d'orientation sexuelle ? Jamais ! Il n'a parlé que de l'amour des ennemis, du pardon inconditionnel et de la joie d'aimer. Il a aussi fermement condamné les pharisiens et autres défenseurs de l'ordre moral.

Jésus serait-il allé manifesté le 13 janvier au Champs-de-Mars ? Même sil m'est difficile de répondre à sa place, j'en doute car il s'est toujours méfié des mouvements de foule comme des risques de récupération politico-religieuse. Pour lui, les personnes réelles seront toujours bien plus importantes que n'importe quel système idéologique, aussi fondé soit-il.

Dans ce débat sur le mariage pour tous, ce qui me peine et qui m'inquiète, c'est la radicalisation des positions pour ou contre, tant dans la société que dans mon Eglise. C'est le glissement vers des postures dures, frontales, des anathèmes, des mises en demeure de se déclarer de façon tranchée, notamment chez certains prédicateurs qui, ces dernières semaines, lors de la messe dominicale, ont oublié de commenter les Ecritures pour mieux appeler leurs ouailles à manifester. Quel mélange des genres !

Ce qui me peine et qui m'inquiète, ce sont les réactions viscérales qui remplacent les arguments, et les a priori bibliques ou théologiques qui évitent le questionnement et l'écoute de l'Evangile. Ce sont ces affirmations qui sonnent faux quand elles annoncent, une fois de plus, l'effondrement de notre civilisation.

Ce qui me peine et qui m'inquiète, c'est de voir tous ces jeunes manifestants, dont certains ont été enrôlés presque malgré eux dans une confrontation qui les dépasse, alors qu'il y aurait aujourd'hui tant de grands combats à mener où les chrétiens (les plus jeunes en particulier) ne sont pas toujours présents : la résistance à la société de consommation, la lutte contre la pauvreté et contre la faim dans le monde, la promotion des droits de l'homme (et de la femme !), le refus de l'injustice, le combat pour la paix, la recherche de la fraternité et du vivre ensemble à travers le dialogue interculturel ou interreligieux, le défi écologique ou le développement durable... Ah, comme j'aurais aimé qu'il y ait, ces dernières semaines, autant de publicité dans les paroisses de France ou sur les réseaux sociaux, pour la démarche Diaconia que pour la Manif pour tous.

Ce qui me peine et qui m'inquiète, c'est le recours au sacré, tant dans la société que dans notre Eglise, pour justifier des ressentis personnels. C'est de constater que, derrière la question du mariage gay, mon Eglise n'est pas toujours au clair sur l'accueil des personnes homosexuelles. Quelle place ont-elles dans les paroisses, dans les séminaires, dans les mouvements ? Comment sont-elles reconnues, respectées ?

Ce qui me peine et qui m'inquiète, c'est l'oubli des familles concernées, à cause d'une approche essentiellement idéologique. Qui s'est interrogé sur la manière dont certains slogans repris ou affichés le 13 janvier, lors de la Manif pour tous, pouvaient être reçus par les couples homosexuels ou par leurs enfants ? On estime à 150 000 le nombre de couples homosexuels dans notre pays. 10 % d'entre eux auraient des enfants (un ou deux), ce qui ferait entre 20 000 et 25 000 enfants.... Comme les autres, ceux-là méritent notre attention et notre respect. 

Ce qui me peine et qui m'inquiète, c'est de constater que tant de croyants n'ont pas fait leur deuil d'une société chrétienne. Oui, de la même manière que le mariage civil n'a plus grand chose à voir avec le mariage religieux, notre monde sécularisé s'éloigne de plus en plus de ses racines judéo-chrétiennes. C'est un fait, ce n'est pas une catastrophe. En Chine, en Inde, en Egypte, au Brésil comme en France, la vocation des chrétiens n'est pas de défendre une civilisation, mais de témoigner de leur foi et du bonheur de croire. Dans ce contexte, l'Eglise catholique ne peut plus se prétendre au-dessus de la mêlée, en distribuant les bons et les mauvais points.

Ce qui me peine et qui m'inquiète, c'est le fossé qui ne cesse de s'élargir entre nos Eglises et l'ensemble de la société. Tel un exutoire, la Manif pour tous aura fait du bien à ceux qui y ont participé. Elle aura permis aux plus revendicatifs d'exprilmer leurs frustrations ou leur incompréhension d'un monde qui change et auquel ils ne comprennent plus rien. Mais, à l'heure de la nouvelle évangélisation, aura-t-elle contribué à faire aimer le Christ et à construire le Royaume ? J'ai quelques doutes. A cet égard, je crois beaucoup plus au témoignage humble et discret du quotidien qu'à n'importe quelle démonstration de force. Surtout quand il s'agit de défendre une cause discutable, qui attise les passions et clive la société française plus qu'elle ne la rassemble.

Ce qui me peine et qui m'inquiète, c'est le visage d'une Eglise qui, au lieu de chercher à accueillir l'avenir, campe sur des positions conservatrices. Souvent crispée sur les questions de morale sexuelle et familiale, elle est prête à défiler avec des organisations très marquées politiquement : l'UMP, à droite, le Front national, à l'extrême-droite. Je ne parle même pas des militants du mouvement intégriste Civitas. Dans cette triste confusion, quelle image les catholiques donnent-ils d'eux-mêmes à l'ensemble de la société ? Cette manif inutile (puisqu'on le sait, la loi sera votée) laissera des traces profondes, voire indélébiles. De quoi accrocher une nouvelle casserole à une institution qui n'en a pas vraiment besoin.

Pour conclure, je reprendrais volontiers à mon compte les propos tenus par Mgr Albert Rouet, ancien archevêque de Poitiers, dans Le Monde du 4 avril 2010 : « L’Eglise est menacée de devenir une sous-culture. Ma génération était attachée à l’inculturation, la plongée dans la société. Aujourd’hui, le risque est que les chrétiens se durcissent entre eux, tout simplement parce qu’ils ont l’impression d’être face à un monde d’incompréhension. Mais ce n’est pas en accusant la société de tous les maux qu’on éclaire les gens. Au contraire, il faut une immense miséricorde pour ce monde où des millions de gens meurent de faim. C’est à nous d’apprivoiser le monde et c’est à nous de nous rendre aimables ». Que dire de plus ?

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Commentaires
L
je pense comme Nathalie et je suis assez d'accord sur le grand texte du "mariage pour tous" bien expliqué avec des mots que je n'aurai su trouver. Le mot 'discernement"prend alors tout son sens ! N'ayons pas peur de demander de l'aide au Seigneur pour qu'il nous guide.
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A
Je rejoins tout à fait cette position en penchant toutefois pour le mariage pour tous. On aimerait effectivement voir se mobiliser plus souvent et aussi massivement toutes ces organisations et institutions (religieuses entre autres), bref, toute cette foule "bien pensante", pour des causes bien plus dramatiques en faveur du respect des droits de l'Homme, de l'Egalité, de la Justice et de la Paix...<br /> <br /> En outre, ayant fait carrière d'éducateur, j'ai longtemps travaillé pour faire en sorte que les personnes différentes ou en difficulté puissent vivre le plus possible COMME tout le monde. J'adopte donc la même attitude vis à vis des homosexuels. Comme beaucoup, j'ai aussi remarqué bien souvent combien ces personnes font particulièrement preuve de délicatesse et gentillesse, non seulement entre elles mais aussi vis à vis des autres. De plus, s'agissant de celles qui donnent la préférence au mariage plutôt qu'au pacs, ne serait-ce pas là une bonne indication quant à la sincérité, la solidité, la qualité des sentiments qui les unient et qu'ils n'hésitent pas à mettre à l'épreuve du temps? Partant de là, je veux bien faire le pari qu'un enfant abandonné et adopté dans un foyer homosexuel y trouvera à coup sûr, (ou en tout cas pas moins sûr que dans un couple hétéro...) le "nid d'amour" propice à un développement harmonieux de son être. Pourquoi se priver d'une telle chance alors que tant d'enfants attendent <br /> <br /> juste cela?...<br /> <br /> Par contre en ce qui concerne la PMA ou GPA pratiquée dans le cadre homosexuel je serais plus réservé car dans ce cas il est décidé par avance que l'enfant sera privé d'une mère ou d'un père au sens habituel voire naturel du terme. Or, et là c'est de nouveau l'éducateur qui parle, il a toujours été considéré que ce défaut de parentalité relevé dans l'histoire de l'enfant constituait bien une carence notoire, avec de possibles conséquences sur son développement ultérieur. Cette "lacune" peut-elle être "heureusement" compensée par une conjointe homo ou conjoint homo de substitution ou par une tante ou un oncle plus ou moins éloigné (comme on rencontre déjà le cas dans nombre de familles monoparentales)? Je ne sais pas. Même si de nombreux exemples montrent que cela se passe plutôt bien, faut-il "négliger" les cas où cela se passe plutôt mal? Du coup la prise de risque consistant à poser une difficulté à l'enfant dès le départ est-elle bien raisonnable et responsable? Dans le doute pour l'instant je m'abstiens mais je reste tout ouïe...
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N
J'imprime et je diffuse... Tant pis si je choque encore . C'est exactement ce que je pense mais dit avec des mots que je n'aurais pas sû trouver. L'essentiel pour tous n'est-il pas d'aider l'autre à vivre mieux et non pas de chercher à le stigmatiser à tous propos ? Qui sommes nous pour imposer ainsi nos idées sans penser que quelqu'un en souffre à côté. L'homme devrait peut-être réapprendre a pleurer c'est peut-être la seule façon de faire voir qu'il souffre d'une attitude blessante de son voisin, les mots sont devenus trop violents ils perdent de leur vérité. Nathalie
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